En trente ans, l’évolution de la structure familiale a chamboulé le quotidien des agents immobiliers et notaires. L’un d’eux raconte.
C’est un nouveau marché qui s’est doucement mais sûrement immiscé dans les portefeuilles des agents immobiliers français : le business des séparations.
Lorsqu’il a démarré sa carrière d’agent immobilier à Châlons-en-Champagne, il y a trente ans, Dominique Vatel se souvient qu’une femme mariée n’avait pas le droit de prendre un bail à son nom : « Si elle était virée du foyer, elle ne pouvait pas louer seule ! Pour nous, agents immobiliers, c’était une faute professionnelle de louer sans l’autorisation du mari. »
Les femmes, plus indépendantes, réfléchissent à leur départ
Aujourd’hui, les femmes, bien plus indépendantes (notamment financièrement), n’hésitent plus à mettre leurs époux dehors. « Tous les deux mois environ, j’ai un bonhomme qui entre à l’agence en me disant : Il me faut un logement pour demain. »
L’agent a évidemment aussi à faire à des dames, lesquelles, souvent, « ont pris la décision de partir ». « Elles ne viennent jamais seules, toujours avec leurs enfants. Souvent propriétaires elles cherchent à louer. La démarche est souvent plus réfléchie, plus posée mais le ressenti est assez négatif. Au contraire, il y a bien plus de fatalisme chez les hommes. »
Observateurs privilégiés des profondes mutations de la société, les agents immobiliers savent souvent avant le principal intéressé qu’il va être quitté.
Dominique Vatel admet sans problème que c’est là une partie de son fonds de commerce et il a constaté avoir souvent vu des couples se déchirer à la remise des clefs de la maison qu’ils avaient mis tant de temps à construire ainsi que « des couples, qui vivaient ensemble depuis quinze ou vingt ans, qui décident de se marier et qui se séparent quelques mois plus tard ».
« Tous les deux mois environ, j’ai un bonhomme qui entre à l’agence en me disant : Il me faut un logement pour demain. »
Dominique Vatel, agent immobilier
Il est un phénomène qui marque encore plus le vendeur de biens : celui des divorces des personnes âgées, lesquelles sont, d’une manière générale, des clients « plus compliqués à gérer ». Plus exigeants, plus pointilleux également. « Cela n’arrive pas tous les jours, heureusement, car c’est d’une dureté incroyable. Je me souviens d’un couple qui avait passé les 75 ans qui se séparaient. L’homme avait visité un appartement le lundi et voulait le louer, le mardi matin sa femme était là pour le prendre car elle ne voulait pas qu’il l’ait ! »
Les nouveaux modes de vie découlent ainsi sur de nouveaux problèmes. De plus en plus de couples, non mariés, ont trois comptes bancaires : un chacun, plus un compte commun. Ainsi des acquisitions peuvent désormais se faire au pourcentage.
De la même manière, l’idée même de la « maison de famille » a peu à peu disparu. « Quand ils achètent, les gens savent qu’ils vont déménager et prévoient la revente… Un jour ou l’autre les enfants vont habiter ailleurs. D’ailleurs, l’isolement des propriétaires est une question qui se pose de plus en plus. Il faut adapter les logements au vieillissement et surtout au vieillissement seul… même si cela pose problème à la revente. Un monte escalier dans une maison, cela n’attire pas les jeunes. »
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