La mesure fait polémique entre les syndicats professionnels et par les associations de défense du logement.
Paris ne sera bientôt (peut-être, compte tenu du calendrier électoral à venir) pas la seule ville à encadrer ses loyers : la ministre du Logement, Emmanuelle Cosse, a annoncé la semaine dernière avoir signé l'arrêté permettant d'étendre l'encadrement des loyers à 412 communes de l'agglomération parisienne : les 3 départements de la petite couronne (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne) et certaines communes des Yvelines, du Val-d'Oise, de l'Essonne et de la Seine-et-Marne.
"En tout, 8 millions de Franciliens (...) sont concernés. Mais avant d'encadrer, il faut observer, pour définir les plafonds de loyers à ne pas dépasser. Cela pourra donc être effectif à partir de 2018", a précisé la ministre. L'objectif est "de redonner du pouvoir d'achat aux ménages concernés", car "il y a des zones en Ile-de-France où les loyers sont très chers", a souligné Emmanuelle Cosse. C’est l’Observatoire des loyers de l’agglomération parisienne (OLAP) qui sera chargé de définir les loyers médians applicables.
Un report des investisseurs inutile
Un mauvais signal pour les investisseurs privés qui se sont rabattus sur les communes limitrophes de la capitale depuis la mise en place du dispositif sur Paris le 1er août 2015. Ainsi au 1er semestre 2015, "la part des investisseurs en Ile-de-France hors Paris a bondi de 17,8 %, constate Laurent Vimont, président de Century 21. Ils représentent quasiment 14 % des transactions réalisées, un niveau jamais atteint auparavant". Dans la capitale selon le réseau d’agences immobilières, les ventes de logements pour investissement locatif ont progressé de 3,8 % sur la même période, contre 16,5 % au niveau national.
De plus, l’effet de l’actuel encadrement à Paris semble limité : "Seuls 20 % des loyers sont concernés par une baisse effective, puisque la mesure inclut uniquement les baux à la relocation, indique Fabrice Abraham, président du réseau Guy Hoquet L’Immobilier. Surtout, de nombreux investisseurs ont opté pour la vente ces derniers mois".
Les élus de droite et les professionnels dénoncent la mesure
Suite à l’annonce de la ministre du Logement, la présidente de la région IDF Valérie Pécresse (Les Républicains) a dénoncé une mesure "court-termiste et électoraliste", "sans concertation avec les maires" qui "risque d'avoir des effets désastreux" en Ile-de-France. "La seule solution durable à la pénurie de logements est la construction de logements neufs et la rénovation de logements vétustes", et "le blocage des loyers, en baissant la rentabilité de l'investissement locatif, va dissuader des opérations de construction et de rénovation, pourtant indispensables pour stabiliser les prix de l'immobilier en Ile-de-France et répondre aux besoins des Franciliens", a-t-elle indiqué.
Des critiques partagées par le député (Les Républicains) des Hauts-de-Seine Thierry Solère : "Ca veut dire qu'en gros en France, dans toute l'Ile-de-France quasiment, en tout cas Paris et première couronne, les loyers seront définis par la loi, seront encadrés. Je crois qu'à part la Corée (du Nord), il n'y a pas beaucoup de pays où c'est le législateur, la réglementation et la loi qui fixent les prix des loyers", a-t-il déclaré sur Radio Classique et Paris Première.
Parmi les détracteurs figurent également les syndicats de professionnels de l’immobilier. Ainsi, la Fédération nationale de l'immobilier (Fnaim), l'Union des syndicats de l'immobilier et l'association Plurience ont dénoncé l'extension du dispositif et demandé qu'il soit circonscrit à Paris intra-muros. "Cette décision est contraire aux directives édictées par le Premier ministre, Manuel Valls, de circonscrire l'encadrement des loyers à Paris intra-muros, et d'en faire un bilan avant de poursuivre une éventuelle extension", ont-elles indiqué.
Les associations favorables à l'extension du dispositif
"Enfin une bonne nouvelle!", a jugé de son côté l'association de défense des consommateurs CLCV, qui en avril dernier incitait les citoyens à interpeller leur maire pour demander l'application du dispositif dans toutes les zones tendues, soit 1.151 communes de 28 agglomérations comme le prévoit la loi Alur (pour l’accès au logement et un urbanisme rénové) du 24 mars 2014. Pour son président François Carlier, le dispositif "ne fait pas baisser les loyers, ne bloque pas les prix, mais évite des comportements abusifs, notamment centrés sur les petites surfaces". "Les loueurs professionnels, globalement, le respectent". "Pourquoi limiter l'extension à la petite couronne parisienne ?" s'interroge l'UFC-Que choisir, alors que "la ministre reconnaît que la mise en œuvre à Paris n'a pas eu les effets négatifs avancés par ses détracteurs et fonctionne, même si des abus persistent".
La Confédération nationale du logement (CNL), "favorable au principe" d'encadrement des loyers à la relocation, en vigueur dans la capitale depuis près d'un an, se dit toutefois "réservée quant à son efficacité" car "les loyers de référence se basent sur les niveaux actuels qui sont surévalués". En outre, le dispositif "ne concerne que les nouvelles locations et le renouvellement de bail, rien n'est prévu pour les locataires en place, même si leur loyer dépasse celui de référence dans leur secteur", déplore l'association de consommateurs.
La CNL pointe aussi le "flou" entourant le complément de loyer autorisé, qui "ouvre la porte à de nombreux abus", et juge "sous-utilisée" la possibilité de saisir la commission départementale de conciliation. Elle demande notamment "une baisse des loyers sur l'ensemble du territoire", et une "construction massive de logements sociaux". De son côté la Confédération Syndicale des Familles (CSF) souhaite voir l'encadrement appliqué "partout où les montants des loyers impactent trop fortement le budget des familles".
Des loyers assagis
Les hausses de loyer imposées par les bailleurs au départ d'un locataire ont enregistré un "coup de frein brutal" l'an dernier, selon l’Olap. La hausse moyenne de loyer entre l'ancien et le nouvel occupant d'un logement, n'a été que de + 0,2 % l'an dernier dans l'agglomération parisienne, le niveau le plus faible depuis 2001. De 2006 à 2013, les augmentations avaient été d'environ 6 % ou plus. Si à Paris, la hausse a tout de même été de + 0,8 %, l'encadrement l'a freinée, en s'ajoutant aux décrets annuels pris chaque été depuis 2012 pour limiter la hausse des loyers à la relocation. La ministre du Logement a enfin indiqué que l’encadrement des loyers devrait être effectif à Lille fin 2016 et peut-être à Grenoble "d'ici à un an et demi".
avec AFP.
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