lundi 11 juillet 2016

20160711 - News /Technologies : Si t’as pas d’agenda partagé, t’as raté ton couple - Rue89 - L'Obs

Si t’as pas d’agenda partagé, t’as raté ton couple - Rue89 - L'Obs



De nombreux couples, avec ou sans enfants, partagent leur agenda Google. Cela leur évite de parler logistique et contingences, mais c’est parfois un peu étouffant.

Par Alice Maruani Rue89.

Chez les Puech, le dimanche soir, après un week-end rythmé par le poney de la petite, les anniversaires des uns et des autres et les cours de tennis, on souffle. Et on se pose devant l’ordinateur, l’agenda Google ouvert. Qui va emmener le grand au foot ou au permis ? La petite à la gym ? Bref, on s’organise.
« Une fois que c’est sur l’agenda, c’est réputé être su. Ça libère l’esprit, on parle moins d’intendance. »
Toute la famille – cinq personnes au total — a une adresse mail en puech.com (Anthony, le papa, est informaticien). Sur l’agenda, chacun a son code couleur.
L'agenda partagé de la famille Puech
L’agenda partagé de la famille Puech
« On le fait parce qu’on est une famille nombreuse. On ne l’aurait pas utilisé seulement pour notre couple, sinon ça digitalise un peu la communication. »

Des CSP + plutôt fusionnels

Certains le font pourtant, avec un seul ou aucun enfant.
Sophie Demonceaux, sociologue du couple « connecté », a interrogé vingt personnes pendant trois ans sur leurs pratiques numériques. Elle s’est demandé si le numérique rapprochait ou éloignait les couples.
« Je m’y attendais pas, mais plusieurs ont évoqué l’agenda partagé, et même le doodle. Ce qui est assez incroyable. »
« Ce sont surtout des CSP +, des cadres qui utilisent cet outil dans leur environnement professionnel », explique-t-elle.
En général, on s’y met à la trentaine, à l’occasion d’un événement – mariage, achat d’appartement, premier enfant, projet professionnel commun. A partir de là, à chaque couple son agenda.
  • Il y a la version la plus fusionnelle : tous les agendas sont mis en commun, perso et pro, avec droits de modification.
  • Il y a la version plus individualiste : un agenda en commun pour les soirées couple, sans rien de perso dessus. Ou on envoie seulement à l’autre une invitation sur une date précise.
  • Et toute la palette au milieu : on partage seulement le pro, on n’a pas les droits de modification, etc.
Sophie Demonceaux :
« En général, les personnes fusionnelles, qui ouvrent le courrier au nom de l’autre, ont plus tendance à avoir un Gmail ou un agenda commun. »
Les codes varient aussi. Souvent, chaque moitié a sa couleur. Certains ajoutent des initiales devant les événements pour savoir qui il concerne. D’autres mettent un « option » devant un rendez-vous à confirmer ensuite, qui devient « définitif ». Alors, à quoi ça sert toute cette organisation ? On a demandé aux intéressés.
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Eviter les tensions et mieux partager les tâches


Toute la palette des petits agacements quotidiens se lit dans les témoignages recueillis. Spécialement quand l’un est organisé et l’autre non.
« Olivier est un étourdi chronique », soupire Virginie. La jeune femme raconte qu’à leurs débuts, ça avait « tendance à (l)’attendrir ». Puis, ça l’a franchement « exaspérée », surtout au moment d’emménager ensemble.
« Un jour, au bout du énième “oubli” d’Olivier (il avait posé un rendez-vous au moment où on avait déjà quelque chose de prévu), je lui ai imposé l’agenda partagé Google Calendar. »
Depuis, ils partagent tous leurs agendas ensemble.
« Il reste très tête en l’air, mais il y a moins de quiproquos. Récemment, il s’est trompé de date pour un dîner avec des amis et j’ai dû improviser un repas. »
La maman hyper organisée du
La maman hyper organisée du « Petit Prince » et son agenda à la minute près - film de Mark Osborne, 2015
Romain et Pauline, 29 ans, partagent aussi leurs agendas individuels depuis deux ans et demi. D’abord dans le but d’éviter les conflits.
« Pauline a des horaires irréguliers. Avant je prévoyais des sorties entre amis et en fait elle travaillait ce week-end là, donc j’y allais seul. »
Romain dit aussi qu’il aime bien savoir qu’elle est allée chez le coiffeur. Ça lui évite de se faire engueuler quand il ne le remarque pas, « parce que ça ne se voit pas toujours en fait ».
Parfois aussi, l’agenda partagé est l’occasion de rééquilibrer les tâches et corvées (cela se voit trop si c’est toujours le même qui s’y colle). Sophie Demonceaux m’explique :
« En objectivant, on se dit que ce n’est pas toujours à la femme d’emmener l’enfant malade chez le médecin, par exemple. »
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Se resynchroniser quand on est surbookés


Pour la sociologue Sophie Demonceaux, l’agenda partagé est le signe d’une société qu’elle dit « hyper-moderne » où :
  • La femme travaille de plus en plus.
  • Les individus sont multi-tâches et multi-engagés sur les réseaux sociaux.
« L’agenda partagé peut être l’occasion d’une resynchronisation salutaire, qui peut sauver un couple. »
Céline et Bertrand (les prénoms ont été changés) qui sont ensemble depuis cinq ans, ont des « agendas de ministre », surtout depuis que Bertrand a des horaires décalés.
« On bosse sur Internet, on s’en sert dans nos boulots respectifs et on l’a toujours sous la main donc c’est vraiment pratique. »
Ils ont un agenda commun mais ne partagent pas leurs agendas persos, même si Céline dit qu’elle n’y verrait pas d’inconvénient.
« Grâce à l’agenda, on peut se coordonner, ne pas avoir deux trucs à la fois genre l’anniversaire d’un super pote et un dîner prévu depuis trois semaines. » Oui, trois semaines.
« Parfois mon copain écrit “SURPRISE !” dans l’agenda et je sais qu’il faut que je réserve ma soirée pour un dîner, un concert ou autre. Ce qui est mignon et évite de se planter si l’autre n’est pas là finalement. »
Les témoignages donnent l’impression que ces couples sont tellement occupés, et leurs amis aussi, qu’ils doivent s’organiser hyper en amont.
Ariane Picoche, 29 ans, a réalisé avec son petit ami un web-documentaire sur le couple connecté. Et ils partagent aussi un agenda. « On est de jeunes citadins en freelance, qui doivent s’inventer un cadre », dit-elle. Elle s’auto-analyse :
« Je pense que c’est aussi dans l’idée d’être performant, efficace sur tous les fronts, avec un équilibre de vie parfait entre les amis, le travail, le couple et le sport, sans vouloir rien lâcher. »
Pour Ariane Picoche :
« On a tous tendance à penser que notre couple fonctionne si on lui accorde du temps. Ce genre d’outils nous permet de quantifier. Genre : OK, on s’est vu une après-midi cette semaine, tout va bien. »
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Parler moins des trucs inconfortables


Derrière l’agenda, il y a aussi le rêve que le poids du quotidien et de l’intendance pèse moins sur le couple « installé ».
Un peu comme dans cette chanson de Benjamin Biolay et Jeanne Cherhal où la liste de tâches (puis, la lettre de rupture) finit par remplacer les mots d’amour.
C’est que disent les témoins interrogés : grâce à l’agenda, on s’envoie moins de SMS, on s’appelle moins pour faire tourner la cellule familiale/de couple.
Il y a aussi l’idée, pour les plus angoissés, d’évacuer les communications inconfortables. Ariane Picoche témoigne : 
« Avant ça, mon copain pouvait me proposer des trucs à l’oral : je les prenais pour des propositions définitives alors que lui balançait ça en l’air... J’attendais son coup de fil, alors que lui était déjà au ciné avec quelqu’un d’autre. »
Elle parle d’une « difficulté à se comprendre dans la vraie vie, à se trouver un langage commun ».
La journaliste m’explique que parfois, elle aimerait bien « se reposer complètement sur l’agenda ». Mais que ce n’est pas possible – « on en reparle derrière, on bouge les choses. »
Céline confirme : « On n’arrête pas de se parler au téléphone, par SMS ou mails. Mais ça enlève quand même une étape. »

Quelques questions

C’est bien joli tout ça, mais un simple agenda partagé pose pas mal de questions.
  • D’abord, en partageant son agenda, on rend notre vie totalement transparente aux yeux de l’autre. On a vu plus mystérieux et sexy. Evidemment, on peut cacher ce qu’on veut, mais cela implique de le faire sciemment.
  • Ensuite, c’est la victoire des organisés sur les bordéliques. Ce pauvre Google Agenda peut devenir, si on n’y prend garde, un outil de domination pour le plus control-freak du couple.
Pierre-Yves par exemple a tendance à prévoir des sorties la veille ou l’avant-veille, quand sa femme bloque les rendez-vous avec ses amis plusieurs semaines à l’avance.
« Il y a des soirées qui sont parfois déjà faites et je n’ai pas regardé à l’avance. Je suis pas super content, mais je me dis que j’aurais dû avoir le réflexe d’y penser pour m’y préparer. »
  • Enfin, comme les SMS, les mails, le téléphone, l’agenda en ligne ajoute une couche de contact permanent avec l’autre. C’est mignon, mais ça peut vite devenir étouffant. Ariane Picoche s’étonne :
« On se dit de plus en plus indépendant et individualiste, on veut tout segmenter, et on n’a jamais été autant connectés en couple. Comme en fusion totale. C’est paradoxal. »
Elle-même parle avec envie d’un de ses amis qui, quand il veut voir quelqu’un, demande la veille ou l’avant-veille et « si c’est pas possible, ce n’est pas grave ».
« Avec mon copain, on a déjà discuté de la possibilité de ne plus communiquer du tout dans la journée, ni à l’oral ni à l’écrit, avant de se voir le soir. Cela nous ferait du bien. »
 
Avis Pimpf :  Etant dans une famille de geek  je n'irai pas contre cette idée, par contre cela ne remplace pas la communication orale, cela reste un outil qui permet d'avoir un calendrier / agenda  avec le rappel des rendez-vous, des sorties des enfants,  de tout ce qui concerne la vie de famille . On cumule à la fois une version agenda papier collé sur notre frigo et le rappel des invitations sur nos agendas électroniques perso ou on partage les invitations aux événements  chacun,  quand cela reste un outil de rappel , ça va  ( en plus le fait de pouvoir  y ajouter les invita à la famille et amis qui ont aussi des agendas ça permet de mieux centraliser les choses) quand on ne vient  qu'à communiquer que par cela c'est là où le bat blesse. C'est là où commence la dérive, on devrait juste s'en servir comme outil et pas que cet outil nous dirige.

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