vendredi 31 mars 2017

20170331 - #TOUTSEXPLIQUE. Porno: Ce qui fait jouir les femmes

#TOUTSEXPLIQUE. Porno: Ce qui fait jouir les femmes




Le porno, ce n'est pas qu'une affaire d'hommes, et les attentes des femmes en la matière ont bien évolué. - DAVID MCNEW / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP
Anissa Boumediene
Mater du porno, c’est un peu comme aller au resto. Sur la multitude de sites dédiés, après avoir fait son choix sur la longue carte des réjouissances proposées - Milf, belle-mère ou encore BDSM - on trouve tout aussi bien les raisonnables qui ne prendront qu’une entrée légère que les gourmands amateurs de gras ou ceux qui passent leur tour, redoutant l’intoxication alimentaire. Mais pas que. Il y a aussi de plus en plus de femmes, elles aussi en quête d’images (s)explicites pour s’offrir un plaisir solitaire.
« Plus de 30 % des spectateurs de porno sont en réalité des spectatrices », indique à 20 Minutes Ovidie, ancienne actrice X désormais documentariste et réalisatrice de films pornos féministes. Mais que veulent regarder les femmes quand elles ont envie d’un petit quickie avec elle-même ? Du classique, du hard, du lesbien ou du 100 % féministe ? 20 Minutes sonde les attentes des femmes en matière de porno.

Se libérer des conventions

Au départ, beaucoup de femmes pensent que la voie de leur plaisir intime n’emprunte pas les chemins parfois sinueux du porno. Dans Future sex (éd. du Seuil), la journaliste américaine Emily Witt raconte sa longue enquête de quatre ans, au cours de laquelle elle atesté de nombreuses choses en matière de sexualité, revu ses positions sur le porno et appris à se libérer des conventions. « Je n’avais jamais essayé de me masturber devant des vidéos pornos. (…) Pour moi, le porno, c’était des pubs qui vendaient des "salopes avides de foutre" », raconte-t-elle. « Je pensais que se masturber "devant" quelque chose marquait une suprématie des idées masculines sur la sexualité ».

Inutile, donc, de dire que jamais elle ne se serait imaginé « se masturber sur le net devant Gang bang très hard pour salope amatrice de bondage, ce que j’ai pourtant fini par faire un jour ». Aujourd’hui libérée dans ses paroles et ses pratiques, celle qui d’habitude mettait « longtemps à jouir » en se masturbant sans vibro confesse qu’il lui a « suffi de regarder la vidéo pendant dix minutes » pour atteindre l’orgasme.
« En bannissant le porno de sa vie, on se prive aussi d’un répertoire complet des fantasmes sexuels de toute l’histoire de l’humanité », estime la journaliste. Tout comme elle, Camille, 27 ans, parle assez librement de sa sexualité. « Moi, je regarde du classique : un mec, une nana, et faut que ça baise bien fort ! Un peu comme ça pourrait se passer entre mon copain et moi dans la chambre quoi », explique Camille. « Certes, c’est pas tout à fait comme ce qui se passe dans mon lit, plaisante-t-elle. Mais c’est efficace, quelques minutes de masturbation devant ça et c’est l’orgasme assuré ! »

« Je ne regarde que des vidéos de femmes »

Ovidie avance une explication concernant ce phénomène : « Les femmes consomment ce qu’on leur donne à voir : du porno mainstream. C’est intéressant de s’interroger sur ces femmes qui regardent des films de Rocco [Siffredi], des vidéos centrées sur le coït ou qui mettent en scène les femmes dans l’humiliation. La seule explication pour moi, c’est l’intégration dans nos propres fantasmes de tous ces stéréotypes si longtemps véhiculés, analyse la réalisatrice. Les goûts en matière de porno sont forcément conditionnés par l’environnement dans lequel on évolue. Or aujourd’hui, le porno sur les plus gros tubes représente 250 milliards de vidéos consommées chaque année, c’est colossal. Après ça, c’est dur de lutter contre la représentation majoritaire de la sexualité ». Emily Witt, elle, ne partage pas ce point de vue. Après avoir assisté à un tournage porno hardcore, la journaliste comprend aujourd’hui qu’une femme puisse aussi avoir envie de regarder des vidéos pornos plus corsées, « des douches dorées » ou du bondage.
Hétéro et heureuse en ménage, Mélanie ne partage pas ces goûts-là. Si elle ne regarde qu’occasionnellement du porno, à chaque fois, il ne s’agit que de vidéos mettant en scène des femmes. Auto initiée assez tard au porno, vers 25 ans, la jeune femme est depuis le début sûre de ses choix. « Je trouve hyper excitant de regarder une femme se caresser ou deux femmes en train de faire l’amour, indique-t-elle. Quand je suis seule, centrée uniquement sur mon plaisir sexuel de femme, ce que j’aime, c’est de regarder une femme jouir, avoir un vrai orgasme sous les caresses d’une autre, plutôt qu’une femme qui se prend une éjaculation en plein visage ou offre à la caméra un gros plan de son anus dilaté ! », poursuit-elle. « Peut-être que c’est ma vision féministe du porno, ou simplement mes goûts, mais je ne prends aucun plaisir à voir une femme "gang-banguée" ou qui n’a l’air d’être là que pour servir de "réceptacle" à l’homme », confie la jeune femme de 31 ans, qui a l’impression que « ces vidéos-là ne servent qu’à satisfaire le plaisir masculin ».

« Etre désirable et bandante même avec des poils et des vergetures ! »

Car s’il y a des femmes hermétiques aux films pour adultes, il y a aussi « celles qui ne se retrouvent pas dans l’offre mainstream, confirme Ovidie. Des femmes qui ont tendance à se tourner vers le porno queer ou gay, et de plus en plus vers le porno féministe », pour prendre du plaisir. Le plaisir féminin, Ovidie le soigne et le satisfait dans ses productions. Aujourd’hui réalisatrice, l’ancienne actrice signe aujourd’hui des pornos féministes. Un courant qui a émergé il y a quelques années, avec un cinéma fait le plus souvent par et pour les femmes. « Ça leur permet d’avoir accès à une diversité de fantasmes. Une amie m’a confié se sentir beaucoup mieux dans son corps depuis qu’elle regarde du porno féministe, raconte Ovidie. Ces productions-là mettent en scène des silhouettes différentes et grâce à ça, elle et beaucoup d’autres voient qu’on peut être désirable et bandante même avec des poils et des vergetures ! Pour une nana lambda, c’est difficile de s’identifier à une femme peroxydée refaite de la tête aux pieds et intégralement épilée. Et plus difficile encore de se projeter dans une sexualité ultra-simulée, où la femme simule l’orgasme dès qu’on l’effleure ».

Préservatif à la cerise sur le gâteau : la gent masculine peut elle aussi prendre beaucoup de plaisir à regarder ces « pornos féministes ». « Beaucoup d’hommes ne se retrouvent pas non plus dans le porno mainstream, qui met en scène des mecs bodybuildés dans des positions pas naturelles avec des femmes siliconées, rapporte la réalisatrice, là, c’est plus réaliste ». Réaliste mais pas soft, comme le croient certains, imaginant que les pornos féministes ne sont qu’un ersatz de romances érotiques pour femmes. « Il faut sortir de cette confusion très française, la vocation du porno féministe est de proposer un porno différent, pas moins sexuel mais plus réel, qui casse les stéréotypes », décrypte Ovidie. Mais, au-delà du sexe du spectateur, ce qui importe, « c’est qu’il se passe quelque chose de réel sur le visage de l’actrice, car c’est le plaisir de l’autre qui est excitant ».

Aucun commentaire: