(commentaires d'Alan Wilder)
Round one : "Prey"
Alan Wilder : Tout en étant le titre qui ouvre l'album, "Prey" est également le premier titre sur lequel j'ai travaillé pour "subHuman". La piste instrumentale est passé à travers de nombreuses phases et a connu des changements de structure. En fait, c'est pratiquement le cas avec la plupart des musiques que je compose, qui évoluent lentement sans direction précise jusqu'à ce qu'un vocaliste entre dans la boucle et m'apporte un texte et une mélodie. Joe Richardson m'a fourni cette histoire de "mambo" nommée Queenie. Il m'a expliqué que 'mambo" est un terme d'argot employé en Louisiane pour parler d'une princesse vaudou. Le terme est arrivé en Louisiane par l'intermédiaire du vaudou haitien. Dans l'histoire, une malediction a été jetée - d'où le titre, "Prie". Ca collait parfaitement avec ce groove poisseux avec des accents de rockabilly marecageux sur lequel je travaillais. Après avoir enregistré ce morceau avec Joe au Texas et avoir mis son groupe dans la balance, j'ai tout retravaillé dans mon studio en Angleterre. A ce moment, j'ai rajouté des passages supplémentaires et des effets sonores pour compléter le tableau et j'espère intensifier l'impression de malaise.
Round Two : "Allelujah"
Alan Wilder : "Allelujah" a longtemps été un rythme atmosphérique pour lequel je cherchais un angle. Je n'étais même pas sûr de le garder pour l'album (il y a quelques morceaux qui n'ont jamais dépassé le stade de la mise en chantier). mais chaque fois que j'y revenais, je trouvais qu'il y avait vraiment quelque chose et je sentais que ça s'accorderait bien avec une voix féminine. C'était prévu pour constituer une sorte de respiration, une contrepoids à l'intensité de la présence de Joe. Et même si Carla Trevaskis avait à l'origine écrit une série de textes pour ce morceau, nous avons retravaillé sa voix dans une direction plus atmosphétique, qui peut faire penser au style de Elisabeth Frazer (Cocteau Twins). Pour moi, "Allelujah", qui est le seul mot qui reste, prend une dimension ironique de part son contexte : quand tu l'associes au morceau suivant, elle prend un sens très différent.
Round Three : "5000 years"
Alan Wilder : Joe m’a donné le morceau et j’y ai apporté ma contribution par la suite. C’était une façon de travailler bien plus facile et claire pour moi, étant donné que j’avais dès le départ l’idée de la direction et du thème. Ce morceau traite de manière assez explicite du perpétuel conflit entre les religions, et je pense que c’est un pivot de l’album. Il m’a fait penser à ce comportement humain cyclique qui consiste à ce qu’un groupe prenne le dessus sur un autre.
Quand nous étions au Texas, Joe, John et Richard ont interprété ce morceau que j’ai ensuite emmené avec moi pour rajouter d’autres éléments. J’ai aussi changé un peu sa structure, j’ai rajoué un pont et la fin. J’ai vraiment en tête de créer une sorte d’image sonique qui corresponde aux mots que j’ai interprétés. J’ai rajouté des bruits de pas, des hélicoptères, des extraits de discours et des instruments arabes que j’ai par la suite déformés, renversés, et passés à travers des effets de guitare.
Round Four "THE KILLING GROUND" :
Alan Wilder : Les bases de ce morceau existaient déja sans que je m’en rende compte. J’avais déjà la musique en tête bien avant de rencontrer Joe, et les différentes parties du morceau illustrent bien je pense ma tendance à surcompenser l’absence de direction – en créant à la fois des structures dynamiques et des passages plus étirés. Jusqu’à ce qu’un texte vienne s’y greffer, je préfère conserver l’instrumental tel quel, sans trop y toucher. C’est la raison pour laquelle beaucoup de titres de Recoil deviennent de longs morceaux. Je ne dis pas ce que ce soit une mauvaise chose, c’est juste la façon dont je les compose qui induit ce format. Je pense que c’est ce que vous pouvez appeler « la marque de fabrique Recoil ». Il se trouve que mes disques favoris sont ceux que l’auditeur a besoin d’apprivoiser – des albums qui nécessitent quelques écoutes avant de réveler leurs arrangements et de détails encore plus subtils.
Après que j’ai pris contact avec Joe, j’ai écouté la plupart des musiques que j’avais déjà enregistrées et j’ai isolé « Killing Ground » (qui raconte une crucifixion). J’ai samplé la version acoustique de Joe et je l’ai placée par-dessus ma piste instrumentale. Avec un peu de savoir-faire technologique, j’ai réussi à caler parfaitement l’un sur l’autre et j’ai présenté ma version à Joe. D’un accord commun, nous avons réenregistré sa partie correctement et changé un peu le texte pour aboutir à un résultat composite.
Round Five : "INTRUDERS" :
AW : Probablement le morceau qui a été le plus difficile à mettre en boîte. J’avais réussi à créer une bonne atmosphère dès le début et je savais que je voulais aller jusqu’au bout – mais je n’arrivais pas à faire en sorte que le texte s’y adapte. Joe a écrit plein de couplets que je n’ai pas pu utiliser, à l’exception d’un seul. Bien avant cela, Carla m’avait apporté plein d’idées que nous avions remis en forme tous les deux. Je ne dirai pas que le résultat à l’arrivée sonnait de manière trop conventionnelle, mais c’était ce qui me faisait peur. Je crois aussi que l’idée qu’on avait eu au sujet des paroles a pas mal évolué, et je pense que mon interprétation est différente de celle de Carla, mais personnellement j’ai le sentiment que Intruders traite de la paranoïa et du sentiment de ne jamais se sentir à l’aise (ou à l’abri) sans craindre que quelqu’un (ou quelque chose) vienne te miner.
Je ne tarirai jamais d’éloges au sujet de l’attitude très ouverte du groupe de Joe. Il y a un passage de 5 minutes à la fin de Intruders qui est en fait une improvisation entre Joe, Richard et John, on a juste fait une seule prise, et je crois qu’elle montre bien l’éclectisme des musiciens impliqués dans le projet. Paul Kendall rampait par terre pendant l’enregistrement en se débattant avec les pédales d’effet de Joe, donc je pense que c’était probablement le moment où nous étions tous le plus mobilisés.
Round Six : "99 TO LIFE" :
AW : une histoire beaucoup plus directe, celle d’un homme qui se met dans le merde et qui finit au pénitencier avec absolument aucune chance d’en sortir. Je n’ai pas voulu creuser trop profondément dans le passé de Joe au cas où cette histoire lui ait été inspiré par sa propre expérience ! Depuis, il m’a expliqué que son texte est inspiré d’une histoire vraie, apparemment celle d’un ami à lui. Même si le thème musical est apparu très en vite, c’est un morceau qui a été difficile à terminer, notamment en raison de toutes les différentes parties qui s’emboîtent les unes dans les autres. Ce n’est vraiment que quand on a eu terminé le mix que j’ai fini par être satisfait. J’ai voulu symboliser l’intensité du caractère répressif de l’incarcération en utilisant des sons de métal et de verre associés au groupe qui est très présent à la fin du morceau
Round Seven : "Backslider" :
AW : Tandis que nous étions en train d'enregistrer au Texas, j'ai demandé à Joe s'il avait encore d' autres chansons que je puisse utiliser. Il m'a fourni « Backslider » - qui je crois est une expression courante pour `tomber du wagon/louper le coche {ne pas tenir jusqu'au bout}' par rapport à n'importe quel genre de penchant/d'addiction. Après que nous ayons enregistré son groupe en train de jouer la chanson, Joe et moi avons décidé de ralentir le multipiste pour abaisser la vitesse et les notes de la chanson ce qui a créé un son plus leger. J'ai quitté le Texas avec la quantité d'une semaine d' enregistrements sur un disque dur portatif, Je suis revenu en Angleterre, ai chargé tout dans ProTools et, dans ce cas-ci, ai dépouillé leur session tout en ajoutant de nouveaux éléments qui me sont propre.
Mon idée était autant d'augmenter encore plus le coté sordide que d'intensifier l'atmosphère avec des effets de dub, de nouveaux grooves et un échantillon de la voix d'une fille plus évocatrice dans la section finale. (En fait, la voix de la fille était un élément retouché d'une ancienne chanson de recoil.) Tout à la fin, presque comme une surprise pour Joe, j'ai ajouté un de ses enregistrement solo jouant un sympathique air d'harmonica. Il ne savait pas alors que nous l'avions enregistré alors et j'ai pensé que c'était une manière des plus humoristique et convenable de finir l'album.'subHuman' m'a pris une année complète à réaliser, avec entre autres beaucoup de doutes, de remises en question, de tirage de cheveu et des heures devant mes ordinateurs .J'espère que ça en a valu la peine et que la majorité des personnes en apprécieront les résultats.