Puisqu’il n’y a que ça qui marche, puisqu’il faut balancer l’horreur en pleine gueule, puisqu’il faut figer la mort d’un enfant sur les écrans pour que l’on prenne une heure, un jour, une semaine pour sortir des idées reçues et s’interroger sur quoi faire avec les réfugiés de guerre syriens, irakiens, kurdes... Et bien recommençons.
Cet enfant avait 9 ans. Il est mort noyé. On apprend peu à nager ces temps-ci en Syrie. Les enfants jouent dans les décombres des immeubles éventrés et si lui n’avait plus peur des bombes, la mer a été sa dernière terreur. Ses parents ne l’ont pas pleuré : ils sont morts avec lui, tout comme son petit frère. Emmitouflé dans une doudoune où l’on avait accroché une tétine à la fermeture éclair. Moi aussi j’avais accroché une tétine à la fermeture éclair de mes enfants. Lui est mort noyé et le voilà sur la grève avec son bonnet humide comme linceul. Dernier geste d’humanité des garde-côtes qui en retrouvent des dizaines comme lui chaque semaine qui hurlent et vomissent leur désespoir quand les photographes ne sont plus là. Ozan Kose reste. Lui qui avait photographié le petit Aylan. Depuis, 300 autres enfants sont morts noyés et le témoignage de Kose dans Le Monde est glaçant.
Non, ces photos ne sont pas le paroxysme de l’horreur. Elles sont au contraire, très banales, ce que vous voyez est très banal. 55 000 réfugiés sont arrivés en janvier. Malgré la mer démontée, le froid, les risques, ils seront encore plus nombreux au printemps parce que si le temps change en Europe, il pleut chaque jour des bombes en Syrie. L’Allemagne les accueillis. La Suède les a accueillis. Pas la France. Ou si peu. Si mal. En moyenne, 10 personnes par mois et par département sur 2 ans. C’est ridicule. Et encore, à entendre les commentaires ce serait déjà beaucoup. 1 million de réfugiés, environ 0.3% de la population européenne. 3 millions à terme ? Ce ne sera jamais qu’1% des habitants de notre bon vieux continent, le plus riche du monde mais où le taux de fécondité baisse.
À ceux qui disent "on ne peut pas accueillir toute la misère du monde", je répondrai en renvoyant sur les travaux de l’OCDE qui n’est pas à ma connaissance un réduit de gauchistes galvanisés. Ils y liront que non, l’essentiel des refugiés n'est pas constitué aujourd’hui d'hommes seuls (et potentiellement des terroristes ou des violeurs !) mais des femmes et des enfants. Les hommes partis seuls les premiers désertaient la guerre, ou affrontaient seuls ce voyage terrible en Europe avant d’essayer de faire venir le reste de leur famille restée sous les bombes en Syrie. Contrairement à ce que laissent penser les images de dénuement extrême, ils sont riches. Riches d’eux même. Leur niveau d’éducation est élevé : la moitié ont le bac, beaucoup plus encore. Et ils ne sont pas pauvres. Ils sont partis avec tout ce qu’ils avaient, des économies qui finissent dans les mains des passeurs (10 000 euros en moyenne la traversée d’une famille) ou qu’ils gaspillent en achetant les couvertures, les vêtements, la nourriture qu’on ne leur donne pas sur les routes d’Europe.
Mais surtout, leur intégration rapporterait des points de croissance à l’Europe. Certains pays ont besoin d’immigration et ce n’est pas nouveau. Sur 10 ans, les réfugiés rapporteraient de l’argent à l’Europe. De l’argent, des idées, une culture, des envies et des ponts vers ce monde arabe qui se cabre contre nous. Les réfugiés sont cyniquement une opportunité pour notre vieille Europe. N’oubliez jamais. Einstein était un réfugié.Par Olivier Ravanello | Le Monde selon Ravanello
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