Article de Le HuffPost | Par Marine Chassagnon
FAMILLE - Des graines de courges, le goût des tomates d’antan, la patience, et l’amour de la terre sont toutes les choses précieuses que l'aïeul de Martin Esposito
FAMILLE - Des graines de courges, le goût des tomates d’antan, la patience, et l’amour de la terre sont toutes les choses précieuses que l'aïeul de Martin Esposito lui transmet dans le film "Le Potager de mon Grand-père".
Cette transmission "à l’ancienne", le réalisateur en fait l’éloge en filmant avec tendresse les conseils de son ancêtre. Ce dernier lui apprend les recettes dont il a héritées de son propre grand-père, ayant lui aussi hérité du sien. Ce documentaire a interrogé le HuffPost sur les savoirs désormais transmis aux petits-enfants par les grands-parents “nouvelle génération” nés aux alentours de 1950, celle qui succède à Vincent Esposito.
Vincent Esposito le grand-père de Martin heureux d'avoir récolté ce superbe cèpe
"Hyperactifs"
Pour comprendre ce qu’ils transmettent, il faut avant tout les comprendre. Recensés quinze millions en 2011 par l'Insee, les jeunes grands-parents sont relativement différents de leurs aînés.
“Ils ont leur propre vie et peuvent être "hyperactifs". Après une vie de travail, ils ont une retraite active, avec des activités et des voyages. Certains en profitent même pour faire le tour du monde! Ils veulent continuer à jouer un rôle dans la société. Ça peut passer par un engagement associatif. D’autres sont divorcés et ont eux-mêmes des ados, une compagne ou un compagnon”, explique Claudine Attias-Donfut, sociologue, dans son livre Grands-parents, la famille à travers les générations. Un phénomène que l’on peut apercevoir rien qu’en les observant. Adieu les jupes de mémés des mamies collées au fourneaux, disparu le papi en charentaises, place à des femmes et des hommes connectés et dans l’air du temps.
Des valeurs et des souvenirs
Les séniors actuels délivrent surtout des petites choses à valeur symbolique, image de leur relation particulière avec leurs petits-enfants. Etant plus proches d'eux que leurs ancêtres, ces cadeaux ont une véritable valeur sentimentale.
"La transmission symbolique, se fait par exemple à partir de la conservation d'objets, souvent sans grande importance ni valeur mais auxquels on est très attaché. Dans la société de consommation qui est la nôtre, où les objets ne semblent avoir qu'une valeur marchande, on garde amoureusement le vieux fusil du grand-père, la petite bague de la grand-mère…" explique Martine Segalen au magazine Science Humaines.
Ces aïeuls nouvelle génération offrent également en héritage une façon de concevoir le monde, de profiter de la vie. Les valeurs, comme celles transmises d'antan, gardent aujourd'hui encore, malgré l'évolution de l'époque, une place primordiale comme en témoigne Charlotte.
"Ma grand-mère a vécu à Paris pendant plus d'une vingtaine d'années avant de suivre mon grand-père à Tours. Paris, "son Paris", "sa Tour Eiffel", "sa Seine", même si je vis en Ile-de-France depuis mes 3 ans, elle m'a fait redécouvrir ce que je connaissais. Me balader dans "notre Paris" est toujours très intense. J'apprécie encore plus la capitale quand elle m'en parle, quand elle me décrit les trajets qu'elle faisait, les endroits où elle avait ses habitudes. J'ai appris a aimer mon quotidien comme elle aimait le sien avant le quitter la ville. Dès que je passe dans la rue où elle a grandi, je m'empresse de lui faire une photo, je sais qu'elle aura les yeux brillants en la recevant" raconte au HuffPost la jeune étudiante.Tous les témoignages reçus soulignent cet aspect là. Que ce soit "la droiture" du grand-père de Lauriane ou la "générosité" de Fatim-Zohra la grand-mère de Merwane chacun d'entre eux transmettent, parfois malgré eux, des valeurs, synonymes de repère.
Cure de jouvence
Mais cette nouvelle génération n’a qu’à bien se tenir. En recueillant de nombreux témoignages le HuffPost s’est aperçu que les grands-parents de la génération de Vincent Esposito s’amusaient à jouer avec les codes des nouvelles générations. A l’image des grands-parents de Julie qui s’éclatent avec elle sur Snapchat.
“L'année de mes 5 ans, mes parents ont décidé de changer de vie et de partir s'installer à 8000km de mes grands-parents... Je suis rentrée cette année pour faire mes études et je loge chez eux depuis septembre. Après avoir été séparés pendant des années je peux enfin profiter d'eux et une forte complicité s'est installée. Tous les soirs nous avons notre petite routine. Après avoir mangé on se pose sur le canapé devant une série et pendant la pub je les traumatise avec Snapchat. Tout le monde s'amuse à faire les photos avec les filtres et moi je m'amuse à le faire à mes grands-parents. Chien, tomate, extraterrestre... ils sont passés par tous les filtres !”, nous raconte la jeune femme.
Julie et ses grands-parents
Une relation qui bouscule les codes habituels de la relation ancêtre/descendance. “Plus généralement, ce ne sont plus les aînés qui imposent les éléments de la transmission familiale selon un plan convenu d'avance, mais les jeunes générations qui vont puiser dans les familles ce qui leur convient pour tisser le lien familial qui leur convient. Une transmission à rebours en quelque sorte, dans laquelle, en tous les cas, la hiérarchie des générations disparaît…” souligne Martine Segalen dans une interview au magazine Sciences Humaines.
Une thèse que l’exemple de Sophie étaye parfaitement: “Lorsque j’étais petite, elle me disait “Si je te manque, regarde la lune et dis toi que moi aussi je peux la voir. Finalement tu te rendras compte que je ne suis pas si loin que ça”. L’été dernier je me suis fait tatouer un croissant de lune sur mon poignet, pour elle. Et lorsque je suis allée la voir à Noël, elle s’était fait faire le même, pour me faire une surprise. Avoir un matching tattoo avec sa mamie c'est assez cool quand même !”, témoigne-elle de sa relation avec sa grand-mère de 78 ans.
Sophie et sa grand-mère montrent leur tatouage
Un bel exemple qui montre que “grands-parents et petits-enfants sont passés d’une relation hiérarchique à une relation de coopération et de communication profonde.” comme le soutient Claudine Attias-Donfut. Ces deux générations cherchent à se comprendre et partager et il semble que, désormais, la transmission n’aille plus à sens unique.
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