Pour sa quatrième édition, la Paris Comics Expo a investi le Parc Floral. Artistes, éditeurs, cosplayeurs et familles étaient au rendez-vous pour cette convention autour de la culture comics et de la science-fiction.
Article pour LE MONDE | Par Mathilde Loire
Il est bientôt 14 heures ce vendredi 15 avril. Les artistes sortent leurs plus beaux feutres, les exposants finissent de s’installer, et les food-trucks commencent à faire cuire les burgers, alors que les haut-parleurs annoncent l’ouverture imminente de la Paris Comics Expo.
Bientôt Harley Quinn, Daenerys Targaryen, Dark Vador et les premiers visiteurs font leur entrée dans l’espace « événements » du Parc Floral de Paris. Les fans se ruent vers les files d’attente pour une dédicace des grands noms de la bande dessinée américaine, tandis que d’autres déambulent entre les stands.
Le Joker, Wonder Woman et une belle bande de Stormtroopers font déjà le bonheur des visiteurs. Au détour d’une allée, on croise un R2-D2 ou un autre droïde issu de Star Wars : l’association R2 Buildersfrancophone, qui rassemble des fans de la saga autour de la construction de robots télécommandés grandeur nature, est présente pour l’animation.
« Combler un vide »
La Paris Comics Expo, « PCE » pour les intimes, réunissait du 15 au 17 avril des fans de comics et de pop culture américaine autour d’expositions, de conférences, d’animations et de dédicaces d’artistes. Pour cette quatrième édition, le salon né en 2012 a presque doublé de volume.
A l’origine du projet, Arnaud Lapeyre, Claude Aujaud et Anne Magné, les libraires spécialisés de Pulp’s Comics, dans le 5e arrondissement de Paris. L’idée est venue il y a quelques années : « Nous étions exposants au Comic Con, qui dépendait alors de la Japan Expo, raconte Arnaud Lapeyre, l’un des associés. Il n’y avait que deux libraires, peu de têtes d’affiche, et beaucoup de produits dérivés. On a ressenti une grosse déception de la part des visiteurs. »
Arnaud Lapeyre fréquentait des salons spécialisés à Paris, il y a quelques années. La plupart ont disparu, puis les conventions sur le thème des mangas ont pris une place de plus en plus importante. Après le Comic Con, l’envie leur vient d’organiser leur propre salon sur la culture comics. « La PCE est venue combler un vide », affirme François Hercouët, directeur éditorial d’Urban Comics, qui détient les droits de DC Comics (Superman, Batman, etc.) en France.
L’éditeur participe d’ailleurs dès le début : « Ils avaient fait venir de grosses têtes d’affiche parmi les artistes », se souvient Arnaud Lapeyre. La filiale de Dargaud vient alors tout juste d’être lancée. Si la PCE et Urban Comics ont environ le même âge, ce n’est pas anodin. L’explosion et le succès de films et de séries adaptés des univers Marvel et DC Comics, ou même de comics indépendants (The Walking Dead, SaGa) ont fait grandir le marché des comics américains en France ces dernières années. « Tout le monde ne se transforme pas en client après la sortie d’un film », explique François Hercouët.
« Le public est là, on est en contact direct »
La culture comics s’ouvre par ailleurs à de nouveaux publics, plus diversifiés, plus féminins aussi. Les femmes sont d’ailleurs nombreuses à parcourir les allées. Allegra, Margault, et Loredana ont entre 14 et 16 ans. Deux d’entre elles sont en lycée artistique, et les affiches dans le métro leur ont donné envie de venir.
« Un jour j’étais dans une boutique, raconte Allegra, et j’ai trouvé un des mensuels Batman, et depuis je lis des comics. » Elles n’ont pas acheté grand-chose – « on est fauchées » – et elles sont un peu déçues que les photos avec les acteurs de la série Sherlock soient payantes, mais elles sont malgré tout contentes des rencontres avec les artistes.
Croisé le dimanche avant son départ, Paul Dini, le créateur d’Harley Quinn et l’une des stars de cette édition, est très content de ses trois jours de dédicaces : « Les fans sont vraiment fantastiques. » Les stars sont ravies, et les artistes indépendants aussi. Installés à des stands dans l’« artist alley », dessinateurs, illustrateurs et auteurs présentent leur travail, discutent avec d’autres artistes, et dessinent parfois à la demande. Contre rémunération, bien sûr : « Un dessin, ça a de la valeur, argumente Maxime Garbarini. J’en ai mis certains à petit prix pour qu’ils soient plus accessibles. »
Lire aussi : Paul Dini : « Les méchants des comics peuvent faire des choses dont nous avons seulement rêvé »Cette rémunération, au choix de l’auteur, a été instaurée à la dernière édition de la PCE : « Avant, comme dans les autres salons français, les artistes dessinaient gratuitement, déplore Arnaud Lapeyre. Mais ça nous a paru injuste, car un dessin c’est du travail. » Il y a bien eu quelques reproches au début « parce qu’on retire quelque chose de gratuit », mais généralement l’idée est bien accueillie.
L’« artist alley » se situe en plein milieu du salon, entre les éditeurs et les artistes invités par les organisateurs. Si les stands de produits dérivés, de jeux de société et de t-shirts et accessoires geeks sont de sortie, le comic book et les artistes sont au cœur de la PCE : « C’est ce qu’on attendait du Comic Con. Le nom est réaliste par rapport au contenu », estime Lisa, 19 ans, qui vient de ranger son cosplay, et Phil, 20 ans et costume de Joker.
Comic Con Paris vs Paris Comics Expo
La comparaison avec le Comic Con Paris est récurrente. Longtemps organisé en annexe de la Japan Expo, le rendez-vous estival de la culture manga, il a été repris par Reed Expo, qui gère notamment le Salon du livre, en 2015. Le groupe international programme alors son Comic Con pour le mois d’octobre, un mois avant la date prévue par la Paris Comics Expo. Celle-ci est finalement annulée en 2015 :« Deux salons sur le même thème, dans la même ville… C’était dangereux pour nous, explique Arnaud Lapeyre. Nous étions trop fragiles. Nous n’avons pas de grosse structure derrière nous. » Les organisateurs de la PCE la reportent donc à avril 2016.
Mais le Comic Con 2015 de Paris, qui reçoit pourtant la star Frank Miller, déçoit : trop de produits dérivés, trop de place donnée aux films, et pas assez de comics. Urban Comics n’y était pas : « Les conditions financières n’étaient pas là », justifie François Hercouët. « Reed Expo, ce sont des pros, ils ont un modèle bien établi, analyse Arnaud Lapeyre. Mais ils s’occupent moins du contenu. »
Public costumé et familial
La clientèle de la Paris Comics Expo est diversifiée, familiale et surtout « cosplayée ». Un peu moins le premier jour, ce que déplore Laurent, 47 ans, qui sur ce point préférait le Comic Con. Le public se rattrape le week-end, d’autant que des concours sont organisés les deux jours. Dimanche, il porte sur les superhéros : Captain America et un comparse chauffent la salle. Supergirl et Power Girl, Iron Man ou Black Widow prennent la pose sur scène. Un Deadpool – ils sont aussi nombreux que les Harley Quinn, la faute aux films – est particulièrement applaudi.
Dimanche, il est bientôt 18 heures, le salon va fermer. Des joueurs terminent une partie d’un jeu de plateau, les libraires commencent à ranger leurs stocks, et les visiteurs se dirigent vers la sortie, les mains souvent bien occupées par des sacs d’albums ou des figurines. Certains s’assoient un moment pour enlever les costumes. Pas tous : une bande de superhéroïnes et de supervilains s’est installée dans un buisson de roses. Une dernière photo, pour le souvenir.
- Mathilde Loire
Journaliste au Monde
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