“Maman, maman, je veux devenir chanteuse. Je veux faire des chansons.” Quand Manika croit découvrir sa vocation, elle vit à Shanghai avec sa famille, qui se prépare à déménager pour un séjour de six mois à Bali avant de rejoindre Singapour. Or, de Shanghai à Singapour, Manika, 6 ans, a un peu grandi et beaucoup changé.
Sa mère, Rashmi J. Dalai, se contente d’abord de sourire, raconte-t-elle sur le site duWall Street Journal“Mais ma fille a beaucoup insisté. Et moi aussi, à son âge, je voulais écrire des poèmes et des chansons. Moi aussi, j’ai déclaré à mes parents que je voulais être écrivaine. Mais j’étais fille d’immigrés indiens aux Etats-Unis et on m’a encouragée à travailler plutôt les mathématiques et les sciences. C’est même ce souhait ancien qui m’a poussé, trente ans plus tard, à quitter mon pays dans l’espoir de trouver ma voie. J’ai voulu donner à ma fille une chance de suivre ses passions sans attendre aussi longtemps.”

A Bali, Manika commence donc à apprendre la musique. Avec son professeur, elle compose même deux chansons, dont elle choisit les thèmes : se dire bonjour et adieu ; escalader les montagnes les plus hautes. “C’était comme si ma fille tentait de tresser une corde pour rester reliée à toutes les joies qu’elle avait ressenties en Chine, une corde à laquelle elle pourrait s’agripper dans le nouveau monde qui l’attendait.”

A la fin de l’année scolaire, la famille part s’installer à Singapour – et là, tout change. L’ambiance à l’école, beaucoup plus stricte ; l’état d’esprit de la mère de Manika, qui paie plus cher et devient plus exigeante en termes de résultats ; celui de Manika elle-même, qui perd son enthousiasme en même temps que sa voix s’éclaircit : sa vocation semble bien ne pas avoir résisté au déménagement.

Un jour, Manika, en pleurs, confie à sa mère à quel point tout est devenu difficile pour elle, qu’elle aimerait tant revenir à Shanghai, qu’elle regrette de ne plus pouvoir chanter avec ses amis…

Manika va-t-elle arrêter les leçons de musique ? ou bien va-t-elle convaincre ses nouveaux amis de se mettre à la chanson ? Rashmi J. Dalai n’a pas encore la réponse, mais de ces récentes difficultés elle tire quelques réflexions :


J’ai rencontré beaucoup de parents expatriés qui partagent mes préoccupations. Les difficultés que nous rencontrons pour organiser la vie de nos enfants peuvent nous rendre aveugles. Parfois, le souci d’exercer un contrôle sur leur parcours et de lui donner plus de consistance peut nous faire perdre de vue qui ils sont. Tous ces changements incessants nous rendent parfois incapables de comprendre ce qui est en jeu.”